Chaque année, les bénévoles répondants de La Boîte à Mots [1] bénéficient d’une formation, en lien avec les correspondances faites avec des enfants. La pratique accrue de certains jeunes pour les jeux vidéos, internet ou réseaux sociaux laissaient parfois les bénévoles et salariés perplexes. C’est ainsi que Serge Tisseron, célèbre psychiatre et docteur en psychologie a été sollicité, pour les recherches qu’il a menées sur le rapport aux écrans. Retour sur son intervention.
Jouer aux jeux vidéos : des aspects positifs…
Lors de cette matinée, Serge Tisseron s’est plus précisément penché sur le rapport des enfants et adolescents aux jeux vidéos. Quelques extraits des propos de Serge Tisseron à ce sujet.
« Comme tous les jeux, les jeux vidéos suscitent du plaisir, celui de remporter des épreuves, de découvrir des univers esthétiques et de mettre les joueurs en compétition. Ils permettent aux enfants d’exprimer symboliquement leur agressivité, de mettre en scène leurs angoisses d’abandon, de mort ou encore d’enfermement, de se familiariser avec elles et de les dépasser.Grâce à leurs avatars – les personnages qui les représentent dans le jeu -, enfants et adolescents peuvent aussi mettre en scène leur conflit conscient ou inconscient avec leurs proches, parents, fratrie, personnages de la saga familiale qu’ils n’ont pas forcément connus, ainsi que les histoires d’amour dont ils rêvent. C’est une manière de prendre du recul sur leur monde intérieur en le rendant visible. Ils peuvent, davantage que par le cinéma ou la télévision, être spectateur de leurs propres représentations et vivre des aventures ou créer des espaces au plus près de ce qu’ils ont en tête. Ces jeux présentent également l’avantage de favoriser la communication et la socialisation, principalement avec les jeux en réseau. Pour avancer, il faut faire des alliances, agir en équipe ».[2]
… Mais aussi des risques à prendre en compte.
Serge Tisseron a également abordé les risques liés à la pratique des jeux vidéos, et a donné quelques indicateurs de conduite à tenir lorsqu’un enfant ou adolescent à une pratique excessive des jeux vidéos. « Beaucoup sont terrifiés par la violence de certains jeux. Mais rien ne montre à ce jour qu’elle soit plus problématique que celle véhiculée par la télévision ou le cinéma. En revanche, les parents doivent être attentifs aux normes. Le système de classification par âge PEGI (système européen d’information sur les jeux) leur permet de prendre des décisions éclairées lors de l’achat de jeux vidéo. […] Quant au risque de repli sur soi des joueurs, souvent mis en avant par les parents, il ne faut pas confondre la cause et la conséquence. C’est parce qu’ils éprouvent le besoin de se replier sur eux-mêmes que les jeunes sont conduits à jouer de manière excessive. Il faut s’interroger sur les raisons qui les poussent à de tels comportements. Je vois beaucoup de jeunes jouer à l’excès à l’occasion de la séparation de leurs parents ou à la survenue d’un décès, voire pour trouver un refuge face à une maltraitance scolaire. »
La règle « 3-6-9-12 »
1. Pas d’écran avant 3 ans, ou tout au moins les éviter le plus possible.
2. Pas de console de jeu portable avant 6 ans. Aussitôt que les jeux numériques sont introduits dans la vie de l’enfant, ils accaparent toute son attention, et cela se fait évidemment aux dépens de ses autres activités.
3. Pas d’Internet avant 9 ans, et Internet accompagné jusqu’à l’entrée en collège L’accompagnement des parents sur Internet n’est pas seulement destiné à éviter que l’enfant y soit confronté à des images difficilement supportables. Il doit lui permettre d’intégrer trois règles essentielles : tout ce que l’on y met peut tomber dans le domaine public, tout ce que l’on y met y restera éternellement, et tout ce que l’on y trouve est sujet à caution parce qu’il est impossible de savoir si c’est vrai ou si c’est faux.
4. Internet seul à partir de 12 ans, avec prudence là encore, un accompagnement des parents est nécessaire. Il faut définir avec l’enfant des règles d’usage, convenir d’horaires prédéfinis de navigation, mettre en place un contrôle parental…
En savoir plus Serge Tisseron, ses articles et publications : http://www.sergetisseron.com/
[1] Si vous ne connaissez pas la Boîte à Mots, en voici les ingrédients : une boîte aux lettres, des enfants, des facteurs, des bénévoles répondants. Le principe : permettre à des enfants de s’exprimer librement, en correspondant avec des adultes bénévoles. Les facteurs aident les enfants à écrire leurs lettres, et leur apportent leurs courriers. Un dispositif de La Sauvegarde du Nord qui existe depuis 13 ans dans le Département. En savoir plus sur la Boîte à Mots : cliquez ici
[2] Propos extraits d’une interview réalisée par Le Monde, article du 06.01.2009 L’addiction aux jeux vidéos est rare.
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