Une Asso dans notre Asso : Comment la création de l’association Très-Sport Très-Sin s’est inscrite dans le projet pédagogique de l’ITEP de Tressin ?
Educateur spécialisé à l’internat du dispositif ITEP de Tressin depuis 2009, Ibrahima Sarr est à l’origine de la création de l’association sportive Très-Sport Tres-Sin. Retour sur la genèse.
« Quand on intègre un internat ou un groupe, la relation peut-être assez compliquée avec les enfants ».
Ibrahima, alors fraîchement arrivé à l’ITEP de Tressin, les met en confiance dans un premier temps, grâce au football.
L’organisation de matchs créant une « dynamique intéressante », il officialise les séances de foot, et s’en sert progressivement « pour travailler les rythmes, les comportements et l’attitude avant, pendant et après. ».
Face à la motivation montante des enfants, Ibrahima décide de combler un manque : l’accès aux compétitions. » Lorsqu’on fait uniquement les entrainements, l’absence de matches est vécu comme une frustration pour ces jeunes »
Il décide donc de démarcher les institutions et les établissements locaux, sans avoir beaucoup de retour.
Malgré l’organisation de rencontres entre les jeunes des dispositifs ITEP de Tressin et de Croix, Ibrahima souhaite aller plus loin.
C’est à cette période qu’il entend parler de la Fédération Française des Sports Adaptés. Les deux équipes sportives des ITEP fusionnent alors pour la saison 2010-2011, et accèdent aux compétitions.
Au mois d’octobre, le premier tournoi est gagné !
Les jeunes ont désormais un vrai but : remporter les quatre tournois du championnat régional.
Par la suite, les championnats de France deviennent très vite un objectif majeur. Mais à cette nouvelle étape s’ajoute de nouvelles contraintes : l’organisation d’une telle participation, le coût lié aux déplacements, à la nourriture, au logement et bien entendu à la sécurité .
Et ce sans oublier le constat pédagogique, comme Ibrahima le rappelle : « nous sommes quand même en présence d’enfants qui ont des troubles du comportement », expliquant que ces enfants non ordinaires « supportent très mal la frustration et sont vite perturbés par les changements », alors que les compétitions, justement, « entrainent aussi leur lot de défaites, d’échec et donc de frustration».
Parallèlement, les effets de cette nouvelle dynamique se font vite ressentir chez les jeunes : « une meilleure estime de soi, une valorisation, un sentiment d’appartenance qui est très important pour des enfants en internat, qui ont été exclus du système scolaire, qui sont dans le système spécialisé, mis de côté par leurs parents ».
Les violences et les passages à l’acte diminuent, les jeunes progressent et deviennent « les icônes de Tressin ». Ils remportent le championnat régional dans le Stadium Nord, là même où le LOSC s’entrainait à l’époque, avec une infrastructure et des arbitres de la fédération française de football, « ce qui n’est pas rien pour les enfants » , ajoute Ibrahima.
Vient ensuite le Championnat de France, à Vergez , aux abords de Nîmes. Ils arrivent à la 3ème marche du podium, dans « une ambiance extraordinaire ».
De cette première expérience nationale nait chez Ibrahima et ses collègues « l’envie de revenir l’année suivante avec une vraie délégation tressinoise » sur différents sports, « l’objectif n’était pas seulement les championnats de France, mais aussi de créer une dynamique institutionnelle ». L’idée nait alors de créer une association en collaboration avec Nicolas Delannoy , éducateur sportif, et Ronan Theys, éducateur en M2, rejoins ensuite par Céline Mannessiez puis Appoline Houppe, employés au sein de l’ITEP (pour donner un souffle durable à cette dynamique). Très-sport Très-Sin voit le jour.
Dès lors, Le sentiment d’appartenance à un groupe augmente chez les jeunes. La saison suivante, ils se présentent à des compétitions d’athlétisme, de tennis de table et de natation pour que chacun puisse s’épanouir.
Les victoires n’effacent pas toutes les blessures, Ibrahima le sait, et n’oublie pas son rôle d’éducateur spécialisé.
Lors d’un championnat de natation, un jeune atteint d’énurésie , se révèle pendant la compétition , au point d’être repéré par la Fédération des sports adaptés. Même après avoir gagné une médaille, il reste sur ses gardes et déclare à Ibrahima que « de toute façon, c’est un truc pour faire plaisir aux enfants ». Il faut alors le convaincre qu’il mérite sa victoire, que c’est grâce à ses efforts et son travail. L’objectif pédagogique trouve son expression.
Ces exemples concrets, Ibrahima en a des dizaines.
Comme Maxence, un jeune qui avait d’importantes difficultés pour tenir en place : « dès qu’il sortait du taxi, il courait… Il passait son temps à courir, il frappait, il dégradait…».
L’éducateur l’emmène alors dans un stade à Villeneuve d’Ascq, lui fait faire des exercices , le chronomètre, « tu aimes bien courir ? On va courir. »… Il intègre alors l’équipe d’athlétisme et c’est la révélation.
Pour renforcer ce sentiment d’appartenance, l’association investi dans des maillots de foot floqués à son nom. Et finalement, alors « que les enfants sont souvent dans le rejet et la détestation de l’ITEP », ils en sont désormais fiers.
« Les choses que l’on essaye de transmettre à travers nos ateliers peuvent paraitre utopiques ou banales » explique Ibrahima, mais c’est pourtant une base fondamentale pour ces enfants : le respect, l’entraide, l’égalité, la solidarité, l’esprit d’équipe. Le sentiment d’appartenance nait et grandit à mesure que les enfants progressent.
C’est cet esprit d’équipe qui se caractérise sur le terrain et dans les tribunes : « dès qu’un jeune met un but, il saute dans les bras de ses copains, et les équipes qui ne jouent pas encouragent celle sur le terrain ». Pour ces enfants qui n’ont connu « que de la violence, du dénigrement ou de l’exclusion, ça n’a pas de prix ».
« Notre premier objectif était de participer au Championnat de France chaque année, le second d’avoir de l’équipement sportif, notamment le City Stade » obtenu grâce au fonds de dotation de la Sauvegarde du Nord.
Cette année, pour la première fois, les championnats de France d’athlétisme, de natation et de football se dérouleront dans des villes différentes.
Par souci d’organisation et de logistique, le choix a été fait de ne participer qu’à la compétition d’athlétisme.
Mais pour l’avenir, l’association Très-Sport Très-Sin compte sur des moyens humains à la hauteur des enjeux thérapeutiques et pédagogiques, « qu’il y ait deux adultes avec trois jeunes qui partent sur des manifestations sportives », car pour Ibrahima, « l’idéal serait de ne pas devoir choisir les compétitions ».
A l’heure où nous écrivons ces lignes, sur l’impulsion de la direction de l’ITEP de Tressin, la Sauvegarde du Nord travaille sur la possibilité de créer sa propre association sportive, afin de permettre aux enfants de tous les établissements de tous les pôles qui le souhaiteraient, de participer à des compétitions sportives.
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